11/01/2016

Do You Hear The People Sing ?

C'était difficile de publier un article aujourd'hui qui ne soit pas un peu symbolique. C'est pour ça que j'ai choisi de vous parler de la comédie musicale Les Misérables. Aucun rapport avec le 11 Janvier me direz-vous. Pas si sûr...

La comédie musicale Les Misérables et moi, une grande histoire d'amour qui commence en 1998 quand ma sœur, de retour d'un séjour aux États-Unis, me la fait découvrir à travers un CD ramené dans ses bagages. C'est le coup de cœur musical immédiat : cette musique me rend dingue ! Au fur et à mesure de mes progrès en anglais, j'ai découvert les paroles et de quoi il retournait. Plus tard, je me suis plongée dans l’œuvre de Victor Hugo. Bref, d'année en année, cette musique m'a toujours suivie. Il y a tellement d'élan et de passion dans ces partitions, en l'écoutant, on se sent le cœur à vif mais terriblement vivant.

En 2012, j'ai entendu parler du film de Tom Hooper. J'aimais ce réalisateur (le Discours d'un roi fait partie de mes films cultes) ; le casting, je ne pouvais pas rêver mieux, je retrouvais même une petite partie de la clique Burton. Malgré tout, j'avais terriblement peur d'être déçue. J'avais l'habitude de la version que j'écoutais en boucle et dont je connaissais les moindres détails et inflexions de voix. Je suis très attachée aux textes, à certaines phrases, c'est d'ailleurs pour ça que je ne peux pas écouter la version française sans faire d'horribles grimaces, je la trouve atroce. Si j'aime bien Hugh Jackman, quelque part dans mon cœur, Valjean c'est Colm Wilkinson et qui sur terre peut chanter aussi bien et incarner le personnage avec autant de chaleur ?


La première fois que j'ai vu le trailer, j'me suis dit "waow, ça envoie du bois!"  mais je me suis aussi retrouvée en larmes, avec un menton tout tremblotant en quelques minutes... ce qui laissait présager que ça allait être compliqué pour moi de voir ce film. Entre la peur d'être déçue et celle de passer deux heures à sangloter, j'ai freiné des quatre fers pour le voir.



J'ai fini par me décider des années après la sortie du film. Mon homme m'a donc trouvée un jour sur mon canapé au beau milieu d'un tas de kleenex, les yeux dans un état indescriptible. Face à son regard on-ne-peut-plus perplexe, j'ai du m'expliquer : "Je regarde Les Misérables et j'en chie !!". Je ne suis pas une pleureuse dans la vie mais j'ai un rapport viscéral avec cette œuvre que je n'explique pas, qui fait qu'à chaque démarrage de chanson, je perds forme humaine pour me transformer en ruisseau.

Au final, je n'ai pas du tout été déçue par ce film. Bien au contraire ! Je n'ai jamais vu la comédie musicale sur scène mais je l'avais fantasmée des milliers de fois en écoutant l'album. Ce film, c'est comme si mes rêves avaient pris forme sous mes yeux. Visuellement il est impeccable. Il a su insuffler le grandiose nécessaire pour en faire un film tout en gardant un certain aspect théâtral et en instaurant une proximité inédite avec les personnages. Musicalement, il est ingénieux et novateur. Ils ont fait le choix de faire chanter les acteurs en live au moment du tournage, ce qui donne une vérité tout autre (Je vous laisse cette vidéo où Anne, Eddie et Hugh vous expliquent ça mieux que moi). Certes, ça me changeait de ma version fétiche mais niveau émotion, c'est tellement puissant ! On redécouvre l’œuvre sous un jour nouveau et je ne parviens pas à savoir quelle version je préfère en fin de compte.   
Quant à l'idée de faire endosser le rôle de l'évêque de Digne à mon cher Colm Wilkinson, ça ne pouvait que me faire plaisir. En dehors de l'hommage et du clin d’œil aux fans, je trouve que sa présence illumine la scène avec Valjean, comme un passage de relai que je trouve très beau. 


Parmi les choses que j'aime autour des Misérables, il y a l'affiche de Broadway. Elle reprend la fameuse illustration de Cosette par Emile Bayard. Je trouve l'idée de mêler celle-ci à un drapeau français brillante.


Il y a quelque chose qui me fascine dans cette image, quelque chose de typiquement français qui me renvoie directement au tableau de Delacroix ou aux images du 11 janvier dernier. Un subtil mélange de fragilité et de force, d'espoir et de désespoir et quoi qu'il en soit, un grand souffle de liberté


Confrontée aux actualités tragiques et à la misère sociale, cette image devenait une idée fixe dans ma tête. Sans rentrer dans les détails, je trouvais qu'à bien des points de vue, elle symbolisait mon pays. A chaque fois que j'écoute Do You Hear The People Sing ?, j'ai une irrésistible envie de descendre dans la rue et d'y construire des barricades. C'est bien beau d'être transportée par la musique mais quand ça me prend à 4 du mat, je me contiens et je me contente de griffonner de façon impulsive sur du bois.


Une fois dessinée en octobre dernier, elle est partie rejoindre les planches de bois dessinées empilées sous mon bureau qui seront peut-être un jour des mosaïques. Et puis les attentats du 13 novembre sont passés par là et le besoin de commencer cette mosaïque s'est fait pressant. 
J'ai commencé par faire les contours noirs et puis je suis restée bloquée à cette étape un bon moment. Je ne savais pas comment continuer, comment mettre de la couleur, si je devais en mettre, comment faire les ombres... La mosaïque parfois, c'est prise de tête. Comme on n'a pas le droit à l'erreur, ce n'est pas rare que je reste figée sur un point donné, surtout si le sujet me tient à cœur.  


Finalement ce weekend, je me suis donné un coup de pied dans le derrière. Il fallait tester, on verrait bien. J'ai choisi de faire Cosette entièrement en émaux de Briare et de laisser les ombres en grès cérame mat. Ainsi, ça donne un aspect ombre mais aussi un aspect saleté ou éraflures à sa peau par endroit. 


Les yeux ont été un casse-tête, j'ai dû les modifier un peu. Je suis tombée sur une forme parfaite pour faire les lèvres et tout ceci fait que son expression a changé en cours de route (les hasards de la découpe). 


Pour le fond, je voulais quelque chose de sobre. J'ai opté pour du grès cérame, le même utilisé pour le visage. J'ai un peu joué sur l'alignement pour évoquer (sans le copier scrupuleusement) les pavés parisiens


Ma petite Cosette a encore changé avec l'arrivée du ciment
Elle est moins contrastée, moins écorchée et plus spectrale.


C'est toujours compliqué de voir les choses changer d'étapes en étapes, avec son lot de bonnes et mauvaises surprises. Mais cette fois, même si elle s'est éloignée du dessin d'origine, elle me plaît. J'aime la voir tout en brillance se détacher sur ce pavé terne.


Je tenais à clore cet article sur ce passage des Misérables, du chapitre V du Tome "Fantine" :

"Le parisien est au français ce que l'athénien était au grec ; personne ne dort mieux que lui, personne mieux que lui n'a l'air d'oublier ; qu'on ne s'y fie pas pourtant ; il est propre à toute sorte de nonchalance, mais, quand il y a de la gloire au bout, il est admirable à toute espèce de furie. Donnez-lui une pique, il fera le 10 août ; donnez-lui un fusil, vous aurez Austerlitz. Il est le point d'appui de Napoléon et la ressource de Danton. S'agit-il de la patrie ? il s'enrôle ; s'agit-il de liberté , il dépave. Gare ! ses cheveux pleins de colère sont épiques ; sa blouse se drape en chlamyde. Prenez garde. De la première rue Greneta venue, il fera des fourches caudines. Si l'heure sonne, ce faubourien va grandir, ce petit homme va se lever, et il regardera d'une façon terrible, et son souffle deviendra tempête, et il sortira de cette petite poitrine grêle assez de vent pour déranger les plis des Alpes. C'est grâce à ce faubourien de Paris que la révolution, mêlée aux armées, conquiert l'Europe. Il chante, c'est sa joie. Proportionnez sa chanson à sa nature, et vous verrez ! Tant qu'il n'a pour refrain que la Carmagnole, il ne renverse que Louis XVI ; faites-lui chanter la marseillaise, il délivrera le monde."


Lire Les Misérables, c'est faire le plein de beaux sentiments, de grandeur et d’héroïsme. C'est croire en l'éducation, au progrès social, à la fraternité. Hier, un autre texte de Victor Hugo était lu Place de la République. Je trouve qu'il y a toujours un certain réconfort à s’imprégner des valeurs humanistes et républicaines qui sont dégagés par ses textes, encore d'actualité. A lire et à relire, sans cesse. 

Quant à moi, j'ai maintenant ma mosaïque pour me rappeler ce dont je souhaite me rappeler en permanence, la journée du 11 Janvier en fait partie.

21 commentaires:

  1. Magnifique cette mosaïque dans sa sobriété ! Ton enthousiasme est communicatif. Merci

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  2. Très bel hommage ! Le rendu est super !

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  3. Je me souviens bien de ce dessin de Cosette bien que je ne l'aie pas revu depuis des (dizaines) d'années! Vous l'avez magnifiquement et simplement rendu. Bravo pour cette capacité que vous avez à faire des choses qui paraissent simples par un travail pas simple!
    Bises :-)

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    1. Merci :)
      Je voulais à la base beaucoup plus coller à l'illustration d'origine, la mosaïque en a décidé autrement ;) J'aime me dire qu'il y a pas de hasard et que si son expression a changé en cours de route, c'est que mon état d'esprit a changé lui aussi en cours de route.

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  4. Tu joues de la tesselle comme personne ! J'aime, j'adore, je ne me lasse pas de voir les étapes de tes tableaux. Merci Claire de nous faire partager la naissance de tes œuvres. Tu as réussi à nous offrir une Cosette toute en émotions.

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    1. Et la tesselle se joue parfois de moi. Ça marche dans les deux sens cette histoire ;)
      Cosette n'est pas mon personnage préféré mais j'aimais bien la symbolique et l'émotion qu'elle dégageait.
      Merci à toi !! Ça me fait toujours extrêmement plaisir de savoir que mes mosaïques te plaisent (et celle là encore plus)

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  5. Je suis à chaque fois épatée par ton magnifique travail, et sa difficulté, et ton écriture toujours passionnante. Bonne année Claire

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  6. Bonjour,c'est par hasard en recherchant si il y avait des articles nouveaux sur Colm Wilkinson que je suis tombée sur votre lien . Je suis donc venue jeter un coup d'œil , belle surprise mais aussi totalement épatée pour votre travail . Félicitations !!
    D'une admiratrice des Misérables et passionnée de Colm Wilkinson à une autre admiratrice et passionnée .

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    1. Votre message me fait tellement plaisir !!! Non parce que jusqu'à présent quand je dis "Colm Wilkinson" autour de moi, on me répond "Qui ?" donc je suis on-ne-peut-plus ravie de rencontrer par écran interposé une autre admiratrice et passionnée :)
      Et si en plus mon travail vous plaît, je suis comblée :)

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    2. Je suis sincère , beau travail et pour Colm Wilkinson hi!hi! même constat connu partout dans le monde comme une légende sauf ... chez nous . J'essaie de le faire connaître autour de moi et j'ai un blog qui lui ai dédié si cela vous fait plaisir vous pouvez y faire un tour . http://fandewilkinson.eklablog.com/ Encore bravo !!

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    3. J'y fooooonce ! oooh je sens que mon aprem va être musicale, merci !!!

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  7. Je suis pas fan des Miz' (la comédie musicale, pas le bouquin), mais j'ai toujours aimé cette affiche. Ta création en mosaique en est un très bel hommage!

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    1. Je dirais que je ne suis pas surprise parce que pour être honnête je ne connais personne qui soit fan des Miz' autour de moi ;)
      Alors que pourtant il paraît que c'est une comédie musicale avec une des plus grandes fan base mais je me demande depuis toujours où ils se cachent !
      et MERCI :)

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  8. Encore une superbe mosaïque que tu nous a faite là!
    Après pour les comédies musicales, j'ai vraiment du mal...
    Bisous

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    1. J'aime pas les comédies musicales à la française post "notre dame de Paris" genre les 10 commandements, Robin de bois, Cléopâtre etc... je dirais même que je déteste. Mais Singing In The Rain (et tout film avec Gene Kelly), Moulin Rouge et Les Miz, j'adore !!
      MERCI et bisous :)

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  9. Ta Cosette est vraiment magnifique.Je ne suis pas très fan des comédies musicales mais Cosette me ramène à l’école primaire où j'avais étudié le passage de Cosette chez les Thénardier.
    Encore bravo pour ta mosaïque qui est un bel hommage pour cette journée du 11 janvier.

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    1. Merciiii ! J'aime pas toutes le comédies musicales (voir le commentaire du dessus ^^) mais j'en adore certaines. Je me lasserai jamais de voir Gene Kelly virevolter.
      Encore merci :)

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