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16/10/2018

Des coraux, de l'imagination, de la dentelle, de l'espoir...

Durant le Festival International des Textiles Extraordinaires, des coraux imaginaires ont envahi un quartier de Clermont.


Dans ma ville, il n'y a pas la mer, pas l'océan et pas de grand fleuve malgré tout, nous avons une Rue du Port alors, ils se sont fixés là. 


De façon assez compacte devant leur lieu de naissance, le Café Textile FLAX et de façon éparse dans le quartier. 


Bien cachés dans les hauteurs des rues, dans les recoins, sur les gouttières, près des fontaines... 



Ça a été un bonheur de partir à leur recherche et d'en trouver toujours des différents, par la forme, la couleur, la localisation... On allait de surprises en surprises en avançant dans la rue. Mon fils s'est immédiatement pris au jeu en me les pointant du doigt en poussant simultanément un petit cri. Pas de doute possible, il appréciait la balade lui aussi !



Ces coraux sont l’œuvre de l'artiste Paule Kingleur que vous connaissez peut-être déjà, tant elle sévit, armée de laine et de fils, un peu partout sur notre territoire national.






Aidée dans son œuvre par le collectif Outrages de Dames et Flax (qui réunit certaines de mes collègues de Café-tricot), j'avais vu le projet émerger sur les réseaux sociaux et j'avais hâte de le voir en place. Je n'ai pas été déçue !





Même si cette installation n'est plus en place (j'ai toujours beaucoup de mal à trouver du temps pour rédiger des articles de blog), j'avais très envie de vous la présenter parce que ça fait toujours du bien de savoir qu'il y a des gens qui essayent d'enchanter le quotidien tout en pointant du doigt les enjeux écologiques

J'ai d'autant plus envie de vous en parler que ceci fait écho à l'exposition "Déviations" du Musée Bargoin, en lien avec le FITE, toujours, et cette dernière s'achevant le 6 Janvier 2019, vous pourrez cette fois-ci l'admirer de vos propres yeux. 

Si j'avais été littéralement subjuguée par l'exposition "Indigo" en 2015, j'avoue avoir été moins impressionnée par "Déviations", je suppose que c'est parce que ce souvenir ancien vibre encore trop fort... Malgré tout, elle vaut le détour ne serait-ce que pour prendre pleinement connaissance du projet "Corail/artefact". 

Tout ceci me fascine et je pèse mes mots. Le projet est ambitieux. Il allie art, sciences et industrie. L'enjeu est de taille : sauver la barrière de corail

Le corail se meurt à cause du réchauffement climatique et principalement en raison du fait que les nouvelles cellules de corail ne se fixent plus sur les récifs, empêchant ainsi leur renouvellement. Jérémy Gobé, un artiste sensibilisé par son travail artistique aux coraux, est en visite à la SCOP de Fontanille, usine de fabrication de dentelle dans le but de réaliser une œuvre pour le FITE clermontois. Il fait alors le lien entre un point de dentelle typique de la région et la structure du corail. Il partage alors sa découverte avec Isabelle Domart-Coulon, chercheuse en biologie marine. 
En plus de la similitude entre le point d'esprit et la structure cellulaire du corail, la dentelle a d'autres atouts : elle est biodégradable, souple, elle laisse passer la lumière... Tout semble indiquer que le corail pourrait se fixer dessus. Des tests en aquarium sont alors effectués...

Je vous ai fait un résumé rapide donc je vous invite à visiter le site Corail/artefact pour en découvrir davantage et suivre l'évolution de ce projet haletant.


Étant auvergnate, j'avais déjà eu l'occasion de voir de belles expositions d'ouvrages en dentelle mais voir tous ces échantillons réunis dans une même salle, du sol au plafond fait rêver. Autant de points différents... cette densité de richesses culturelles sur ces grandes étagères... me fait perdre mes mots et donne envie de protéger ce patrimoine précieux.

Quant à ce récif corallien en dentelle suspendu au plafond, il me donne de l'espoir... 


Les savoir-faire se perdent, la nature dépérit. J'ai envie de croire que c'est un peu le même combat et que l'un peut aider l'autre.


Même l'envers de ces échantillons, ces plaques enroulées et empilées sur ses grandes étagères sont magnifiques dans cette salle. J'ai adoré leur façon de capter la lumière. La beauté est partout. L'espoir aussi. Ouvrons l’œil ! 

"Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais uniquement par manque d'émerveillement."

Gilbert Keith Chesterton. 

13/10/2018

Mes poupées russes : fabrication et petites anecdotes.

Je viens à nouveau vous parler de mes poupées russes dans un article destiné aux plus curieux d'entre vous, ceux qui voudraient savoir comment émerge un tel projet, comment je m'y suis prise pour les tricoter et ceux qui se posent des questions du style "mais au fait ont-elles un petit nom ?". 

Quand je me promène en ville, je guette le street art présent (comme vous l'avez vu ici) mais je songe aussi souvent aux yarnbombings que je pourrais faire. J'adore ça ! Ça m'oblige à être attentive à mon environnement, à le tordre et à imager plein de choses. Même si 95 % ne se réaliseront jamais, cette gymnastique de l'esprit rend mes promenades tout sauf mornes.


En passant par une des plus belles places de Clermont, je lance comme ça à l'Homme : "ces plots-là, ils appellent trop des personnages...". Avec nonchalance, l'Homme répond du tac au tac : "genre des poupées russes...". Et là, tout s'est enclenché dans ma tête parce que j'ai tout de suite visualisé les décors fleuris, les couleurs... cette idée a donc coiffé au poteau tous les autres personnages que j'avais pu imaginer et cette réalisation-là est devenue obsessionnelle.


Surtout que quelques mètres en contrebas, devant la DRAC, le même type de plots étaient présents mais de différentes tailles. Ça appelait vraiment des poupées russes. Tout ceci a coïncidé avec l'envie de l'équipe du Such'art de rajouter du yarnbombing à leur parcours. On a donc demandé les autorisations pour ces deux lieux. Je pensais qu'un seul des deux obtiendrait l'autorisation et je pensais que ça serait la DRAC, la fontaine étant classée monument historique. Persuadée de ce choix, je n'avais pris les mesures uniquement que des plots devant la porte de la DRAC. J'ai dessiné quelques croquis préparatoires et commencé à crocheter des éléments pour que les personnes concernées visualisent un peu le projet.


Contre toutes attentes, je n'ai pas eu l'autorisation de yarnbomber les plots de la DRAC mais bien ceux de la fontaine (la DRAC ayant une obligation de neutralité). J'ai donc repris les mesures et re-travaillé un peu mon projet. J'avais prévu de faire 4 plots de tailles différentes devant la DRAC et de semer quelques poupées russes autour de la fontaine. Cette décision m'a donc un peu décontenancée. J'avais peur qu'une taille identique ruine un peu l'effet "poupée russe". Mon travail devait se concentrer sur la fontaine, je ne pouvais pas disséminer par-ci par-là des poupées, il m'a paru alors évident qu'il faudrait faire les 8 plots... et ça, toute seule, ça m'effrayait un peu quand même... 

Heureusement, je n'avais pas de date butoir. C'était totalement du bénévolat donc j'avais prévenu qu'avec un enfant en bas âge, un travail à côté, j'avancerai à mon rythme, sans pression... Cette liberté là, c'était trop bien ! 

Surexcitée par le projet, je m'y suis attelée tout de suite et comme souvent tout a commencé avec un chat sur les genoux... Vous vous souvenez d'ailleurs peut-être voir vu passer ces photos sur Instagram.


La première poupée a été la plus dure à réaliser. Pour me faciliter la vie et m'éviter des allers-retours incessants pour les essayages au bord de la fontaine, je me suis fabriquée un patron en tissu, cousu à même le plot pour être sûre d'avoir les bonnes dimensions. J'ai dû faire pas mal d'essais-erreurs pour arriver à trouver la forme des cheveux, des lèvres, le nœud du foulard... Le premier essayage sur les lieux a été un réel soulagement. Le résultat me convenait donc je pouvais faire toutes les autres "sur le même moule"


Cette petite brunette habillée de rouge et de fleurs me faisait furieusement penser à l'Espagne, je l'ai donc appelée Carmen
Paye ta poupée russe ! 

J'ai donc décidé d'opérer un léger recadrage et d'aller un peu plus à l'Est... J'ai donc pris un Paris-Varsovie façon Damien Saez et quelques soirées plus tard à tricoter et coudre en écoutant ces albums là, la petite Kasia est née (clin d’œil à la chanson Varsovie et Kasia). 


Des fleurs au crochet hautes en couleurs sur un fond plutôt neutre, des feuilles vertes et vives, des broderies au point de chaînette pour lier le tout et j'espère donner un petit côté slave à l'ensemble. 

J'aime beaucoup la petite Kasia mais sur place, je ne pouvais nier l'évidence, elle avait un défaut : une base quelque peu distendue...


Bon, alors autant vous le dire tout de suite, j'ai une petite idée sur le pourquoi du comment...


J'avais trouvé que le plus confortable pour coudre tous ces appliqués (sans risquer de prendre avec l'aiguille les deux faces de la poupée à la fois) était d'installer la poupée sur la planche à repasser à son plus bas niveau et de m'installer par terre devant. Le chat a aussitôt adopté ce nouveau hamac à chat ;) 

Je tenais à faire ce yarnbombing absolument toute seule. Une histoire de défi personnel à relever. Néanmoins, j'ai accepté et carrément apprécié l'aide de ma mère le jour de l'installation qui a passé un petit fil de fronce en bas. Je l'ai remplacé un peu plus tard par un élastique. 


Au final, on ne voit presque plus que mon chat en avait fait son nid officiel.


Comme je vous l'ai dit plus haut, l'idée vient de l'Homme. Après lui avoir dit "ô combien il était génial!!", je lui ai dit que je partais sur son idée. Seule exigence de l'Homme en retour, que je l'appelle désormais "ma muse" et que je lui fasse une poupée russe "Kelly Reilly", la sublime rouquine qui joue dans Les Poupées Russes de Klapisch. Même s'il a dit tout ça pour blaguer, c'est le genre de clin d’œil que j'aime bien faire.


Toutes mes poupées russes sont brunes mais il y a donc une rouquine dans le lot.


Je vous l'accorde, elle ne ressemble en rien à Kelly Reilly mais elle a été totalement inspirée par sa chevelure flamboyante ! L'orange étant ma couleur préférée, je me suis régalée à la tricoter celle-là.


A ce stade-là, j'en avais tricoté trois, il était temps de me confronter à celle qui me faisait le plus flipper : Inna. L'idée de rajouter une poupée Ukrainienne a émergé petit à petit jusqu'à devenir pour moi totalement nécessaire. En revanche, je ne savais pas trop comment m'y prendre... Comme j'avais l'impression que si je la foirais, je ratais l'ensemble, je n'étais pas du tout sereine en abordant ce défi.


J'ai donc un peu laissé trainer... pardon, je devrais plutôt dire "pris le temps de la réflexion" ;) J'ai regardé des reportages, lu des livres, consulté le site des femen. Je voulais être sûre de connaitre mon sujet et sûre de ce que j'avais envie de dire.


Au niveau de la réalisation, je la voulais semblable aux autres mais différente. J'avais songé à lui faire une chevelure au vent et je me suis ravisée. C'était compliqué de réaliser quelque chose de beau et réaliste qui ne mange pas des mètres de laine. J'ai donc tricoté de la même manière que les précédentes en me contentant de lui ôter le voile, symboliquement, ça me suffisait. J'ai choisi de l'habiller sobrement, j'ai juste évoqué un jean bleu. Ainsi avec sa chevelure blonde, les deux couleurs présentes sur cette poupée étaient le bleu et le jaune, couleurs du drapeau de l’Ukraine
Le choix du slogan, je l'ai déjà évoqué dans l'article précédent. Pour les lettres au crochet, j'ai utilisé un tuto japonais trouvé sur pinterest comme je l'avais fait pour mon yarnbombing précédent. Autre dilemme qui m'a pris la tête pendant les mois : les nichons ! Qui dit Femen dit nichons à l'air mais voilà comment réaliser ça avec de la laine ?! Alors, honnêtement, j'ai essayé plein de choses :
- l'option réaliste des nichons en laine avec tétons mais c'était chargé et on ne voyait plus le slogan. En plus, ça donnait un aspect poupée gonflable en laine qui me déplaisait fortement.
- l'option symbolique en brodant le logo des femens en noir mais le résultat était moche.
- en écru mais c'était assez étrange.
Finalement après un long débat avec moi-même, j'ai décidé que le slogan était plus important que les nichons. 
Son visage m'a aussi posé quelques soucis, ses yeux surtout ! Je crois que j'ai réalisé une dizaine d’œil avant de trouver la bonne couleur, même si ce n'est pas exactement celle des yeux d'Inna au final, c'est ce bleu-là qui rendait le mieux. Toutes les autres poupées ont les yeux noirs. De la même manière, j'ai enlevé les petites pommettes roses qu'ont les autres poupées et le rouge à lèvre. Mon mot d'ordre : épurer ! Et je me suis centrée sur la couronne de fleurs sauvages qui elle m'a occupée un loooooong moment... J'ai utilisé les modèles marguerite, coquelicot, bleuet ouvert et bouton d'or (mais crocheté en rose) du livre 100 fleurs au tricot et au crochet de Lesley Stanfield.


Mon yarnbombing est devenu un peu un running gag au café tricot. "Qu'est ce que tu fais Claire ?" "oooh ben mon yarnbombing...". Au rythme de un coquelicot et demi pour deux heures de café tricot, j'ai fini par avoir mon petit stock de fleurs pour la couronne. 

J'étais tellement pas à l'aise avec cette poupée que j'ai cousu la couronne de fleurs à la toute fin... Comme vous pouvez le voir : 
- Si elles paraissent toutes petites une fois autour de la fontaine, les poupées prenaient sacrément de la place dans mon appartement... Les demoiselles font tout de même 70 cm de hauteur.
- Inna sans sa couronne était vraiment très différente.  


Beaucoup de doutes ont plané au-dessus de cette poupée mais finalement au premier essayage, sa couronne, son regard, son sourire ont balayé tout ça ! J'suis un peu tombée amoureuse. 


Il m'a fallu un an pour les réaliser mais dans cette année, est aussi pris en compte le temps pour réunir la laine nécessaire. Je ne fonctionne qu'avec de la laine de récup'. Ce yarnbombing doit beaucoup à Béatrice de Béa Patchwork Quilts qui m'a donné des cartons entiers de laine !! Quand j'ai vu ces cartons de laine, c'était comme si c'était Noël avec quelques mois d'avance. Le chat et Thomas s'en sont donnés à coeur-joie eux aussi !! Mon appartement ce jour-là a été transformé en pelote de laine géante... et en nœuds ;)


Pour ne pas oublier ce beau souvenir joyeux, j'ai appelé cette poupée Béatrice et je lui ai tricoté un beau cœur rouge, gros comme ça !


Pour le décor fleuri, j'ai utilisé les modèles bouton d'or, grande primevère et grande feuille du livre 100 fleurs au tricot et au crochet de Lesley Stanfield. 

Une autre poupée au grand cœur a vu le jour dans la foulée. 


Au mois du juillet, une copine du café tricot de Clermont, France de son prénom, a déménagé pour une autre région. Quand elle vidait son atelier de couture, elle m'a proposé de venir fouiner dans ses cartons pour voir, dans les chutes de tissu qui allaient partir à la poubelle, si quelque chose pouvait me servir. Comme j'utilise énormément de tout petits morceaux quand je couds des livres en tissu par exemple, j'ai trouvé mon bonheur dans ses cartons (et dans ses tiroirs à boutons) !! Un chouette moment à papoter et à fouiner avec sa furette et son chien :)


Dans son atelier, il y avait aussi des morceaux de pulls tricotés par des clientes et jamais achevés (et un petit reste de laine cascade mais ça, je l'ai gardé pour faire un pull à mon fils). J'ai profité d'avoir les nerfs en pelote le jour de la finale de la coupe du monde pour détricoter et peloter tout ça.


Ces pelotes-là sont donc définitivement associées au mois de Juillet, tout en bleu et en dorure, à la coupe du monde en Russie, à la victoire de la France... vous l'aurez donc compris, ma poupée s'appelle donc France elle-aussi :)
Je vous invite d'ailleurs à découvrir son instagram. Elle fait des merveilles et pour les avoir vues en vrai, je les trouve encore plus merveilleuses.

Pour la suivante, après avoir fait ces deux poupées au grand cœur, je souhaitais changer un peu de technique. Je suis repartie voir les croquis initiaux et j'ai essayé de créer des petites fleurs naïves.


Des ronds crochetés, un modèle de feuille improvisé et une tige au crochet.


Toute de rose vêtue, cette petite poupée s'appelle Rosalie

 

Pour tout vous dire, elle a été cousue devant un reportage sur Agatha Christie dont la fille s'appelle Rosalind et de Rosalind à Rosalie, il n'y a qu'un pas. Une fois du côté de l'Angleterre, j'étais pas loin de Downton Abbey donc une Lady Violette a bouclé la série. Sacré tour du monde que ces poupées russes ! ;)


Je butais un peu pour choisir la couleur qui allait se mélanger au violet. "Ma muse" m'a suggéré le turquoise et c'est exactement ce qu'il fallait pour apporter une touche de lumière !


J'aime bien l'idée de Lady Violette en grande matriarche de cette petite troupe de demoiselles (j'imagine tellement la tête outrée de Maggie Smith devant une Femen !!) :)


Je n'ai pas toujours choisi les couleurs, j'ai fait avec ce que j'avais. Il me fallait une certaine quantité de laine pour faire un voile uni. Mon stock a donc un peu dicté sa loi. Parfois j'ai un peu triché un associant deux pelotes de couleurs très similaires (dans le voile de Béatrice) ou un faisant un voile légèrement rayé (dans le voile de Rosalie). Un yarnbombing se regarde souvent de loin donc ça ne se voit pas trop. Grâce au stock prodigieux de Béatrice et sa grande quantité de laine épaisse (aiguille 6), j'ai réussi à faire quelques corps unis (Kasia, Rosalie et Béatrice). La plupart du temps sinon, j'ai beaucoup usé des rayures. J'ai aussi beaucoup tricoté deux laines de petite taille ensemble, avec mes aiguilles 6. 

La question qu'on m'a le plus posée est sans doute : "vous vous trompez jamais pour les installer, elles ont un ordre ?". Elles ont bien évidemment un ordre et j'y ai tellement réfléchi que je ne risque pas de l'oublier ! J'ai pris soin d'alterner les couleurs chaudes et froides, de ne pas mettre deux poupées de construction similaire côte à côte et comme je l'ai déjà dit précédemment, je ne voulais pas qu'Inna ait une place centrale (même si elle était complétement essentielle).


Ainsi quand quelqu'un a volé Inna et deux autres poupées russes (Kelly et Carmen), j'ai décidé de ne pas continuer l'installation. Sans Inna, cela n'avait pas le même sens et je considérais vraiment mes poupées comme un ensemble. 

Je m'attendais à ce que quelqu'un détériore ou vole mes poupées mais ça m'a quand même fait quelque chose d'arriver autour de la fontaine et de ne pas les retrouver comme tous les soirs. La personne ayant volé la poupée qui portait l'étiquette avec les coordonnées de ma page facebook, je n'ai pas pu résister à l'idée de lui laisser un petit mot.


Depuis 2012, je n'ai jamais récupéré le moindre yarnbombing et, hormis le tout premier qui est parti vivre au Maroc pour être détricoté et transformer en tapis grâce au Festival International des Textiles Extraordinaires, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. 


Je n'ai jamais été attachée de façon matérialiste à mes créations "street art". L'année où j'ai fait les bancs publics, j'avais tellement de choses à penser avec l'arrivée de mon petit loulou, j'ai même oublié mes bancs et au bout de quelques mois, je me suis demandée ce qu'ils étaient devenus.  Un yarnbombing, ça appartient à la rue, à tout le monde et donc à personne. La personne qui s'est emparée des poupées a donc privé tout le monde pour son petit plaisir égoïste et ça, ça m'énerve. Surtout qu'on m'aurait demandé mes poupées à la fin de l'installation, je les aurais sans doute données de bon cœur !

Après, il est vrai que je suis plus attachée à ce yarnbombing qu'à n'importe quel autre. Peut-être parce qu'elles avaient un nom et un visage... peut-être parce que mon fils, mon chat et moi, on a vécu avec elles pendant un an... peut-être parce qu'en les installant et désinstallant tous les jours, je m'en sentais un peu la gardienne. Je les récupérais trempées par les gros orages, avec les traces de boue qui allaient avec, les pipis de chien, je les lavais, les essorais, les rafistolais, les réinstallais... Essayer de les préserver me demander de l'énergie.

Et voici la photo pas instagramable du jour ;)  


Elles ne sont pas faites pour être dans un appartement mais bien autour de leur fontaine !


Même si cette installation s'est achevée sur une pointe d'amertume, je retiens avant toute chose qu'elle a été baptisée de la plus manière la plus adorable qui soit, par une petite fille qui passait par là avec son parapluie rose. Elle les a toutes touchées, une à une. Je ne savais pas si j'étais témoin d'un adoubement de chevalier ou de quelque sortilège avec une baguette magique mais j'ai assisté à la scène sans en perdre une miette...


Mon fiston (venu un peu plus tard) est plutôt du genre saute-mouton, saute-poupée. Il avait du mal à se hisser tout là-haut mais avec un peu d'aide, il a escaladé méticuleusement chacune d'elles avec un air radieux et victorieux ;)


J'ai vu plein d'enfants jouer avec, les escalader, les toucher façon "am-stram-gram" une à une, courir autour, se cacher derrière... J'en ai vu beaucoup aussi soulever le tricot pour voir ce qu'il y avait en dessous (la prochaine fois, je penserais peut-être à leur tricoter une culotte lol). Les yarnbombings c'est fait pour ça, pour vivre dehors, pour être élimés par les fonds de pantalons des enfants, les intempéries, les chiens, les chats, pour être touchés bref, être abimés par la vie et pas pour vivre dans un appartement. La rue n'est pas un musée mais il n'est pas écrit pour autant "servez-vous".

J'ai fait appel à mon papa le jour J parce qu'il est bien meilleur photographe que moi et que je tiens à avoir de jolies photos de mes réalisations car c'est tout ce qui me restera au final. Ça me permet d'avoir des photos rares de moi prenant les rayons de soleil dans la couronne de fleurs de ma Femen ;) mais aussi d'avoir des photos de famille qui comptent tellement à mes yeux et que je garde pcieusement pour moi... 


Je dois dire que j'ai adoré que mes parents, "ma muse" (ça va vite devenir lourd) et mon fiston soient là en soutien parce que c'est pas naturel du tout pour moi de faire ça. Toute cette année confrontée à mes nombreux doutes, je me suis dit "pourquoi je fais ça ?!!!" et le matin de l'installation quand je partais avec mon sac plein de poupées et pleine de trac, je me suis dit "mais pourquoi je m'impose ça ?!!!". 

J'ai adoré que la gérante du resto "Ne rien faire" décale ses tables pour qu'on puisse mieux voir mes poupées. J'ai adoré manger en famille sur sa terrasse et profiter de voir en toute discrétion les réactions des passants. Le repas était délicieux et il n'y a pas de meilleure récompense que de voir les gens arriver le visage fermé, voir mes poupées et repartir avec un sourire aux lèvres. Je tiens à garder en mémoire tous ces passants qui ont fait demi-tour pour voir de plus près, ceux qui ont pris des photos, les enfants qui ont joué avec... Cette journée en famille était merveilleuse.
Quand la gérante m'a demandé quelles étaient mes motivations pour faire des yarnbombings, je n'ai pas su répondre... En vrai, je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi un projet peut devenir obsessionnel au point d'y consacrer une année, pourquoi imposer un truc à la vue de tous dans la rue avec tous les doutes que ça entraîne dans ma caboche. Un jour, je me pencherai sur la question...


Ce qui est sûr, c'est que c'est un véritable bonheur de voir les gens les prendre en photo et de retrouver certaines photos sur Instagram le soir ! Tous vos petits messages ont rythmé mon quotidien pendant 17 jours et l'a rendu vraiment magique.


J'ai adoré découvrir ainsi que quelqu'un avait rendu Lady Violette encore plus coquette en lui rajoutant une barrette (que je n'ai jamais vue en allant les chercher le soir). 



Chaque installation de yarnbombing est une fête et en installant-désinstallant tous les jours, la fête s'est prolongée pour moi. Ça a été juste génial ! 
Tous les matins, tous les soirs, vous avez eu un mot agréable pour moi et ce, quel que soit votre âge : enfant, ado, homme, femme, personnes âgées. Je ne pensais pas que ça toucherait un public aussi large
J'ai adoré voir des fillettes et des femmes posées fièrement à côté de Inna sur Instagram. J'ai adoré rencontPaule Kingleur qui installait un yarnbombing dans la rue d'à côté (et je vous en parle bientôt). J'ai adoré parler tricot avec des petites mamies. J'ai adoré écouter les conversations que ça suscitait entre les enfants et leur maman sur le trajet de l'école le matin. J'ai adoré arriver le soir et devoir attendre en retrait qu'un enfant finisse d'escalader, qu'une maman fasse une photo pour pouvoir les enlever. J'ai adoré qu'on me dise "J'ai vu qu'il pleuvait, j'ai pensé aux poupées, sous la pluie, je me suis dit -oh les pauvres-" (alors que j'étais complétement ratouillée moi-même) parce que ça voulait dire que cette personne était vraiment attachée à mes poupées et ça m'a super touchée. J'ai eu des moments de lassitude parce que ça faisait une trotte d'aller les chercher, que la laine mouillée pèse lourd, que la pisse de chien pue, que c'était l'heure du bain de mon fils mais ya toujours eu une personne qui passait par là ou qui faisait demi-tour pour me dire que c'était joli ou me remercier. Merci à ceux qui m'ont croisée pas coiffée au petit matin, tête dans le coaltar, cernes et mine défaite le soir et qui n'ont pas eu peur de s'approcher pour me dire un petit mot, je garde tous ces instants bien au chaud dans mon coeur !



A chaque fin de mes précédents yarnbombings, je me souviens avoir dit "c'est le dernier, plus jamais ça !!" et à chaque fois que j'ai eu l'occasion de replonger, j'ai foncé tête baissée. Donc je ne vais pas faire le coup cette fois-ci et pour être honnête avec vous, j'ai déjà trouvé ma prochaine cible :)